Les grandes transformations (2)
Le cannibalisme provoqua cependant d’autres dommages sexuels, surtout chez les individus de sexe masculin.
Les cerveaux mangés appartenaient toujours aux mâles. L’homme en fut donc plus fortement influencé que la femme, et les excitations sexuelles se sont davantage modifiées chez lui ; c’est ainsi qu’en général, dans les rapports sexuels, il parvient davantage à l’orgasme que la femme.
Beaucoup de scientifiques protesteront contre cette explication et affirmeront qu’il n’a pu se produire de telles différenciations dans la vie sexuelle, même si les hommes étaient les seuls à consommer des cerveaux ; les fils et les filles sont en effet issus des mêmes pères.
La science a d’ailleurs une bonne théorie pour expliquer comment les premières créatures asexuées, monocellulaires, se sont développées au cours de milliards d’années pour donner des animaux à sexes différents. Si une telle divergence a pu se produire sur des créatures asexuées, alors que la nourriture était forcément la même pour tous, une différenciation sexuelle entre des animaux déjà bisexués est encore plus facile, surtout si un seul des sexes absorbe continuellement des « drogues sexuelles ».
Les humains ont cherché différents moyens pour retarder l’orgasme de l’homme. L’une des mesures prises a été la circoncision. […] Cela devait émousser sa sensibilité.
Cette mesure apporta une faible amélioration mais celle-ci n’était pas encore satisfaisante. Les femmes continuèrent à déplorer la venue prématurée de l’orgasme chez l’homme.
Il existe encore aujourd’hui des peuples d’Afrique chez lesquels les hommes utilisent une méthode beaucoup plus énergique : la circoncision de la femme. […] Il reste à dire que ce système n’est pas non plus une solution et que l’homme a dû se rendre compte à nouveau que son remède n’agissait pas.
Si l’être humain commença sa carrière en singe obsédé sexuel et voulut par la consommation de cerveau faire de sa vie sexuelle une source de bonheur, c’est à l’inverse qu’il a abouti : il transforma sa vie sexuelle en source de mécontentement et de douleur.
Soucis moraux, jalousie, meurtre sexuel, déviations et dérèglements sexuels, orgies sexuelles, rites sexuels douloureux, mutilation des organes sexuels, castration, avortement provoqué, inhibitions et angoisses sexuelles, tous ces phénomènes sont exclusivement réservés à l’homme. La sexualité domine la vie humaine. Les organisations sociales, les systèmes économiques et politiques, les Églises organisées naissent et tombent pour des raisons sexuelles. Les guerres, la mode, la littérature, le commerce et les rapports entre les hommes subissent l’influence de la vie sexuelle pathologique de l’homme. Celui-ci devine que quelque chose ne va pas dans sa vie sexuelle et il ne sait comment se comporter devant la sexualité. Tantôt il la condamne comme un péché, tantôt il la déclare source de bonheur terrestre. Il manipule ce système physiologique comme il ferait d’un jouet et veut faire par la force ce que le singe, obsédé sexuel, voulait déjà faire il y a un million d’années : créer le paradis sur terre. Pour y arriver, il est prêt à payer n’importe quel prix.
Les différentiations entre les sexes, dues au cannibalisme, ne se limitent pas à la vie sexuelle. Sexualité et intelligence sont inséparablement liées et les modifications de l’une engendrent des modifications de l’autre.
La consommation constante de cerveau chez les mâles provoqua une augmentation des pulsions sexuelles, il fut aussi cause d’un accroissement de l’intelligence qui se transmit davantage aux fils qu’aux filles. C’est la raison pour laquelle il existe une différence d’intelligence entre l’homme et la femme.
Ce phénomène est également unique dans la nature et exclusivement humain. Dans toutes les races animales de la terre, les deux sexes sont pourvus physiquement et intellectuellement de tout ce qui est nécessaire à leur conservation. Quand des animaux sont confrontés à des situations particulièrement pénibles, par exemples des catastrophes naturelles, la faim ou la maladie, les chances de survie sont égales pour les deux sexes ou plus favorables chez la femelle. Plus favorables parce qu’il s’est développé chez le sexe féminin une résistance plus grande afin que l’existence de la race soit protégée dans les périodes critiques. En effet, la quantité d’animaux survivants peut être moindre chez les mâles que chez les femelles, car un mâle peut féconder plusieurs femelles. La proportion inverse serait absurde. Il en était et il en est encore ainsi chez tous les animaux, donc aussi chez l’animal qui devient plus tard l’homme.
[…]
L’homme n’a pas donné à la femme une éducation défectueuse, mais il ne l’a pas laissée manger de cerveau*. Il est aussi impossible d’amener l’intelligence des femmes, par l’éducation, sur le même plan que celle des hommes, que d’amener l’intelligence d’un indigène de Nouvelle-Guinée, par l’éducation, sur le même plan que celle d’un Chinois. Quand une race a commencé le cannibalisme cent mille ans plus tard, ce n’est pas l’éducation qui lui manque pour augmenter son intelligence, mais cent mille ans de cannibalisme. Si l’on voulait commettre l’erreur de fournir aux femmes l’intelligence de l’homme, il faudrait leur faire manger du cerveau, et cela pendant dix mille ans. Mais l’intelligence des filles ne serait pas la seule à augmenter. Celle des garçons s’accroîtrait également, quoique plus faiblement. Comme l’intelligence acquise par le cannibalisme est chargée chez les humains d’obsessions, le chaos serait encore plus grand.
*C’est l’inverse qui s’est produit en Papouasie, où ce sont les femmes qui mangeaient la cervelle. Ce qui leur a valu d'être malades, puisqu'elles avaient fréquemment des crises d'épilepsie. Elles avaient la maladie du kuru. Cela dit, le cannibalisme devait être, au début, une affaire d'homme.
Prétendre que les femmes sont inférieures à cause de leur éducation manquée, c’est leur faire offense. On les définit ainsi comme des créatures inachevées et défectueuses. Les femmes ne sont pas imparfaites et elles n’ont pas besoin d’être réparées. Elles sont absolument parfaites pour elles-mêmes, pour leur mari et pour l’humanité. Les tâches qu’elles accomplissent en leur qualité de femmes, personne ne pourrait mieux les assumer.
Toutes les races humaines sans exception, à quelque stade d’évolution qu’elles soient, possèdent un cerveau et une intelligence supérieurs à ce qui leur est nécessaire pour mener une vie saine et simple.
Tout être humain est anormal et psychiquement malade, et cependant, du point de vue humain, il est sans défaut. Une femme est également un être humain sans défaut tant qu’elle reste dans sa famille en tant que femme, et ne veut pas se transformer en capitaine de bateau, en ingénieur et même en philosophe.
L’intelligence humaine est toujours liée à des obsessions qui se manifestent en général plus fortement chez les hommes que chez les femmes. L’homme s’embrouille souvent dans des problèmes compliqués, il n’a plus de vue d’ensemble et perd sa faculté de jugement : animé par la colère, la soif de vengeance, et désireux de faire valoir des droits imaginaires, il prend alors des partis absurdes. Grâce à son intelligence particulière, la femme peut le retenir d’actions désespérées et l’amener à la modération ; à supposer qu’elle soit une véritable femme et non un être émancipé de force.
Ibid
À suivre Les grandes transformations (3)