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Les voies de l'étrange et du mystérieux
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  • Ce site se propose de rapporter des histoires mystérieuses et peu connues. Car bien souvent, le paranormal est là où on ne l'attend pas. Il évoque aussi certaines énigmes, en les abordant sous un angle inédit.
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Les voies de l'étrange et du mystérieux
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31 août 2020

L'État est mauvais en soi

D'après Augustin, il n'y a pas d'État meilleur qu'un autre, fût-il chrétien au lieu d'être païen. Si la conception augustinienne est optimiste quant au dénouement de la tragédie humaine, elle est pessimiste quant aux caractères essentiels et à la fonction de l'État. Pour Augustin, l'État, création de l'homme-citoyen, est l'expression de la nature inférieure et mauvaise de celui-ci. Il y eut toutefois des hommes vertueux, même parmi les païens, des peuples justes, des souverains sages qui, chrétiens ou non, méritaient amplement leur gloire et d'être soutenus par la Providence dans leurs tentatives de paix et de justice. Mais l'empire et la gloire furent pareillement accordés aux tyrans les plus exécrables, aux peuples les plus cruels. D'autre part, ceux qui se proclamaient citoyens de la Rome chrétienne se conduisaient bien souvent, nous assure Augustin, plus mal encore que leurs ancêtres païens. Ne semble-t-elle pas aujourd'hui déplorable, la légèreté de la plupart des sujets chrétiens de l'Empire, réfugiés en Afrique après 410, et qu'Augustin a personnellement observés alors qu'en face du péril, ils s'adonnaient aux divertissements, ne préquenteraient que théâtres et cirques, pariaient follement sur les acteurs ?

La distinction posée par saint Augustin ne porte donc pas sur la différence séparant le citoyen chrétien d'un citoyen païen. La différence est plus profonde : c'est celle qui sépare tous les États sans exception, ainsi que leurs ressortissants pris en tant que tels, de l'unique nation spirituelle rattachant l'un à l'autre tous les élus sans exception, c'est-à-dire tous ceux ayant reconnu les vérités éternelles et désirant vivre selon ces vérités.

Saint Augustin

Augustin admettait, il est vrai, qu'un État peut être plus juste, plus vertueux qu'un autre dans certaines de ses manifestations. Mais le principe de justice représenté dans ces cas relèverait toujours de l'ordre terrestre; il s'agirait d'adaptations aux besoins et aux exigences de la vie sociale, qui seraient plus louables que certaines autres, mais non moins étrangères à l'ordre céleste de la Cité de Dieu. Cette notion de deux sortes de justice, l'une inférieure et humaine, l'autre supérieure et divine, peut paraître singulière. Je l'ai citée à cause des conséquences que saint Augustin en tire et qui, en ce moment même, sont susceptibles de nous intéresser.

L'État, dit saint Augustin, n'est jamais fondé sur le libre consentement. D'après lui, il est toujours un produit de la violence ou de la fraude, un effet de la rapine et de l'avidité, parfois même d'un crime majeur. L'exemple de l'État romain, dont la légende attribue l'origine au meurtre d'un frère par l'autre, serait valable pour tous les États de la Terre. Aussi la qualité mauvaise de l'État comme tel fait souhaiter que son expansion reste limitée; car les crimes de l'État deviennent d'autant plus nombreux et plus graves que l'État s'agrandit. C'est pourquoi saint Augustin déplore la croissance démesurée d'un seul État, tendant à étouffer et à détruire les autres : telle est la puissance du colosse romain, qui avait fini par absorber quantité de nations, regna plurima gentium. À mesure du développement de cette puissance, bien des maux, auparavant inconnus, sont venus s'ajouter aux souffrances du monde. Il est donc préférable, assure Augustin, que les nations restent petites : "Ut omnia regna parva essent", ainsi qu'il en est des maisons, nombreuses mais petites, formant à elles toutes la communauté de la ville : "Ut sunt in urbe domus plurimae civium".

Voilà, ou je me trompe fort, l'idée fédéraliste, qui préoccupe tant de nobles esprits en ce moment de notre crise mondiale, exprimée de façon claire et nette, dès le Ve siècle de notre ère !

William Mackenzie, Les grandes aventures spirituelles

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