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Les voies de l'étrange et du mystérieux
Les voies de l'étrange et du mystérieux
  • Ce site se propose de rapporter des histoires mystérieuses et peu connues. Car bien souvent, le paranormal est là où on ne l'attend pas. Il évoque aussi certaines énigmes, en les abordant sous un angle inédit.
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Les voies de l'étrange et du mystérieux
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17 octobre 2023

Cosmogonie amérindienne

 

La première génération et sa destruction

 

Les dominateurs, les puissants du ciel, c'est-à-dire les dieux fondamentaux, décidèrent, au cours des phases de la création, de construire l'homme, ce qui est ici un terme plus adéquat que celui de créer; ils tinrent un conciliabule pour savoir comment se ferait la germination, la fécondation, la propagation, de l'être qui saurait dire leur nom et serait capable de les honorer et de les adorer, ce que ne pouvaient faire les animaux. Ils firent ainsi les hommes, et ceux-ci parlèrent; mais les dieux furent très déçus par cette première humanité :

 

"Ils vécurent, ils engendrèrent, ils firent des filles, ils firent des fils, ces mannequins, ces charpentes de bois. Mais ils n'avaient ni esprit, ni sagesse, nul souvenir de leurs constructeurs, de leurs formateurs; sans but ils allaient, ils marchaient; ils ne se souvenaient pas des esprits du ciel. C'est pourquoi ils déchurent." 

 

Ces hommes de la première génération, que le Popol-Vuh* traite de mannequins, n'ayant pas répondu aux désirs des dieux qui les avaient construits, ces dieux décidèrent de les détruire pour reprendre leur œuvre de meilleure manière. Ils organisèrent en conséquence "la perte, la destruction, la mise à mort" de cette humanité manquée.

 

"Alors - est-il dit dans le Popol-Vuh* -, fut gonflée l'inondation par les esprits du ciel; une grande inondation fut faite; elle vint au-dessus des têtes de ces mannequins charpentés de bois."

 

Popol-Vuh

 

Ce fut le déluge selon la version des Mayas-Quichès.

 

La manière de voir du narrateur fait peser sur les hommes le grave défaut, dont ils étaient en fait aussi peu responsables qu'Adam et Ève du péché originel, mis en eux par le créateur :

 

"Le haricot (d'Amérique), fut chair de l'homme; mais lorsque par les constructeurs, les formateurs, fut charpentée la femme, le sassafras (moelle du roseau) fut chair de la femme. Ceci y entra par la volonté des constructeurs, des formateurs. Mais ils ne pensaient pas, ne parlaient pas devant ceux de la construction, ceux de la formation, leurs faiseurs, leurs vivificateurs. Et leur mise à mort fut ceci : ils furent submergés; vint l'inondation, vint du ciel une abondante résine. Le nommé Creuseur de Faces leur vint arracher les yeux; Chauve-Souris de la Mort leur vint couper la tête; Sorcier-Dindon vint manger leur chair; Sorcier-Hibou vint broyer, briser leurs os, leurs nerfs; ils furent moulus, ils furent pulvérisés, en châtiment de leurs faces, car ils n'avaient pas pensé devant leurs mères, devant leurs pères, les esprits du ciel nommés maître géants." (Nous avons adopté ici la traduction intégrale de Georges Raynaud.)

 

Ceci répond donc à un vaste cataclysme précédé d'éclairs d'orage ou du feu des volcans que semble bien indiquer "l'abondance résine", selon la traduction de Georges Raynaud du terme gol; d'autres avaient traduit gol par aigle, ce qui ne signifierait pas grand-chose d'une part et de surcroît s'exprimerait par qot plutôt que par gol; le "Libre de Oro" et d'autres textes mexicains sont au demeurant bien conformes; ils confirment le texte donné ci-dessus et cela s'enchaîne parfaitement avec la suite du récit (que nous donnons littéralement, selon le même traducteur) :

 

"À cause de cela s'obscurcit la face de la Terre, commença la pluie ténébreuse, pluie de jour, pluie de nuit. Les petits animaux, les grands animaux, arrivèrent; le bois, la pierre, manifestèrent leurs faces. Leurs pierres à moudre, leurs poteries, leurs écuelles, leurs marmites, leurs chiens, leurs dindons, tous parlèrent; tous autant qu'il y en avait, manifestèrent leurs faces."

Ce texte est tout à fait savoureux. Il fait parler tour à tour les objets familiers, puis les animaux domestiques; tous se plaignent de l'homme.

-"Vous nous fîtes du mal, vous nous avez mangés, à votre tour ! dirent les chiens.

-Nous avions chaque jour à nous plaindre de vous ! dirent les pierres à moudre.

-Mal, douleur, vous nous fîtes, charbonnant nos faces, nous tenant au feu ! À notre tour, nous vous brûlerons ! dirent les poteries, et les marmites.

 

"Et intervinrent aussi les pierres de l'âtre qui les brûlèrent et qui les chassèrent de leurs demeures. Alors les hommes coururent au dehors sous la pluie torrentielle; ils voulurent monter aux arbres, mais les arbres ne voulurent pas d'eux, ils s'animèrent et les firent choir; ils cherchèrent à entrer dans les trous des rochers et les grottes, mais les trous se refermèrent devant eux. Ainsi refusés des dieux et abandonnés par la nature, ils n'eurent plus qu'à disparaître :

 

"Leurs yeux furent arrachés, leurs têtes rognées, leurs chairs dévorées, leurs entrailles rongées, leurs nerfs et leurs os broyés par les suivants du dieu de la mort." (René Girard, L'ésotérisme du Popol-Vuh)

 

"Telle fut la ruine de ces hommes construits, de ces hommes formés, hommes à détruire, hommes à bouleverser leurs bouches, leurs faces, furent toutes détruites, anéanties." (G. Raynaud)

Source: Externe

 

C'est ainsi, selon le Popol-Vuh, que périrent jusqu'au dernier les hommes de la première génération, ceux désignés comme mannequins charpentés de bois, hommes construits; seuls demeurèrent vivants les singes qui vivent maintenant dans la forêt, parce qu'il n'avait été mis que du bois dans la chair par les constructeurs et les formateurs, qui n'avaient en conséquence rien à leur reprocher; ils ressemblaient à des hommes et ils étaient "la postérité de la génération disparue des hommes construits".

 

L'origine de la nouvelle humanité

 

Au temps des hommes mannequins de la première génération, était aussi un génie que l'on nommait Principal Ara (ou Gukup Cakix); ce génie voulait se placer au-dessus de l'homme construit, s'assimilant à la lumière et se disant être à la fois le Soleil et la Lune. Il survécut au déluge, mais deux engendrés, Maître Magicien (ou Hunahpé) et Petit Sorcier (ou Ixbalamqué), entrèrent en conflit avec lui.

 

Principal Ara avait deux fils : Sage Poisson Terre (ou Zipacná), et Géant de la Terre (ou Caprakán). Le premier se disait le maître des montagnes et le second le maître du sous-sol.

 

Avec le secours des esprits du ciel et selon le désir de ceux-ci, Maître Magicien et Petit Sorcier réussirent à tuer Principal Ara et son épouse, celle qui se rend invisible (ou Chimalmat). Ils eurent raison aussi de Sage Poisson Terre et de Géant de la Terre après bien des péripéties singulières. Alors les constructeurs et les engendreurs reprirent leur œuvre : les 4 premiers hommes furent formés par eux; c'étaient Sorcier de l'Enveloppe, Sorcier Nocturne, Garde Butin et Sorcier Lunaire. Ils n'avaient pas de père, ni de mère, et ils furent nommés les braves. Mais, cette fois : "... ils eurent apparence humaine, et hommes ils furent; ils parlèrent, ils dirent, ils ouïrent, ils allèrent, ils prirent; hommes bons, beaux; leur apparence : face de braves. La mémoire fut, exista. Ils virent; aussitôt leur regard s'éleva. Ils virent tout, ils connurent tout le monde entier; quand ils regardaient, leur vue au même moment regardait autour, voyait tout, à la voûte du ciel, sur la surface de la Terre. Ils voyaient tout le caché sans se bouger auparavant. Quand ils regardaient le monde, ils voyaient de même tout ce qui y est. Nombreuses étaient leurs connaissances. Leur pensée dépassait le bois, la pierre, les lacs, les mers, les monts, les vallées. En vérité, hommes à aimer..."

 

Source: Externe

 

C'est ainsi que les hommes entrèrent dans la suite de la légende du Popol-Vuh. Ils engendrèrent, ils prospérèrent et ce fut la grande épopée des Mayas.

 

L'ésotérisme du Popol-Vuh

 

Il est bien évident que le Popol-Vuh, livre sacré, ne se veut pas être un roman ou un conte; c'est un ouvrage profond qui constitue un panorama symbolique des réalités de l'évolution du monde des Mayas.

 

Un ouvrage résumé en français est consacré à ce sujet : L'ésotérisme du Popol-Vuh (éd. A Maisonneuve, Paris, 1960). Il nous est dit dans cet ouvrage :

 

"Dans le Popol-Vuh, se trouvent résolus les problèmes de caractère spirituel, qui de tous temps ont inquiété l'âme humaine : création de l'univers, fonctions divines, rapports entre Dieu et l'homme; problèmes de l'homme, du devoir, de la vérité, de la vertu et du péché; origine des êtres et des choses; la vie, la mort et la destinée humaine; lois de causalité des phénomènes... La religion maya qui est une religion de salut, a pour fin dernière d'assurer la paix intérieure de l'âme dans un état social harmonieux..."

 

Mais cette paix sous-entend qu'elle soit méritée par des vertus conformes à un code moral qui est bien explicité dans ce codex qu'est le Livre du Conseil.

 

En ce qui concerne l'exposé qui y est fait d'une destruction par un déluge de la première génération, il est clair qu'il s'agit là d'un symbole précis axé sur une étape importante de l'évolution humaine. La première génération des hommes imparfaits qui seront refusés et détruits concerne celle des chasseurs nomades de la préhistoire; ils n'avaient ni organisation sociale, ni homogénéité de langage, ils ne savaient donc pas parler aux dieux; c'est pour cela qu'ils devaient disparaître. Ceux de la seconde forme, issus des 4 nouveaux, formés au contraire, furent organisés et les diverses phases de l'évolution et de l'établissement de la civilisation cohérente et raffinée des Mayas-Quichès est symbolisée dans la suite du Popol-Vuh, ouvrage de base de la mythologie et de l'histoire de ce peuple.

 

Déluge universel

 

Pour nous en tenir à l'épisode du déluge, celui-ci est donc une phase très importante et même primordiale dans la vie de l'homme puisqu'elle marque, à la suite d'un cataclysme, une rupture entre deux modes de vie fondamentalement différents; celui des chasseurs errants et celui des hommes agriculteurs fixés. C'est aussi le passage de la préhistoire à la civilisation. Mais le symbolisme du Popol-Vuh va beaucoup plus loin, il exprime aussi le passage d'une vie primitive à une vie sociale, ce qui est très important pour les Mayas dont le sens social était précisément très évolué. Les images, de surcroît sont multiformes, selon une manière de penser chère au monde amérindien. Ainsi la position qui est donnée en cette matière aux animaux : ceux-ci n'avaient pas su parler aux dieux, qui les laissèrent donc de côté et durent construire, d'abord sans succès, les hommes. Mais les animaux survécurent au déluge puisqu'ils n'avaient pas à être punis.

 

Par contre, ils furent tenus à la disposition des hommes, ce qui justifie pour ceux-ci, soit la chasse qui nécessite de les tuer pour s'en nourrir, mais pour cela seulement, soit de les domestiquer pour s'en faire des aides utiles, mais non pour de simples passe-temps. Le caractère de haute moralité du Popol-Vuh apparait donc clairement. C'est aussi une illustration du caractère naturel de culpabilité de l'homme, qui sait que, s'il commet des fautes vis-à-vis des dieux, ou de la nature, il devra en subir les conséquences. Le déluge, punition d'un défaut originel, même si celui-ci est seulement inhérent à la qualité humaine et si l'homme en est en fait irresponsable, apparaît comme chose naturelle; les dieux sont tout puissants; ils n'ont pas à se justifier, et les luttes des hommes contre les dieux tournent toujours très mal pour les humains orgueilleux, qui s'y sont laissés aller. Tout cela, sans doute, pourrait se prêter aisément à bien des rapprochements avec d'autres religions, voire avec la Bible; mais c'est là une solution de facilité dangereuse, qu'il convient de ne pas aborder pour demeurer dans le raisonnable. Le Popol-Vuh est en soi assez cohérent et important pour être considéré comme une base essentielle d'une civilisation particulière et qui se suffit à elle-même : celle du peuple Maya.

 

Chez les Amérindiens chasseurs de têtes de l'Amazonie

 

Jusqu'au fond de la forêt amazonienne, aux confins du Brésil et de la Colombie, de l'Équateur et du Pérou, dans les pays des coupeurs de têtes humaines (c'est moi qui souligne), les mythes de la création et ceux d'un déluge, apparaissent avec une remarquable constance.

 

Les mieux connus peut-être de ces tribus primitives, sont les Jivaros. Les traditions jivaros contiennent le récit d'une grande inondation en forme "d'un nuage gigantesque" qui tomba sur la Terre et qui anéantit bêtes et gens. Seuls un Jivaro et sa compagne, réfugiés dans une grotte, sur le sommet d'une cime, échappèrent à cette destruction.

 

Toutes les ethnies amazoniennes conservent la mémoire d'un tel événement dans leurs traditions et leurs récits mythiques.

 

Chez les Muratos, ce cataclysme est également présent, mais il est expliqué selon une histoire pittoresque et naïve qu'a rapportée Simone Waisbard (Chez les chasseurs de têtes d'Amazonie, éd. SCEMI. 1969) :

 

"Un Murato s'était rendu dans une lagune proche du rio Pastaza en vue de pêcher. Il lança sa ligne, mais c'est un jeune caïman qui avala l'appât et se trouva pris à l'hameçon. La mère des caïmans entra en une grande colère et battit furieusement l'eau de sa queue puissante. Par cette action, le rio enfla, déborda, et inonda toute la selva. La population des Muratos fut anéantie par cette inondation; un seul homme Murato qui avait pu grimper au sommet du plus élevé des palmiers pifayos, échappa à ce désastre. Réfugié sur son arbre, il était environné par les ténèbres car la lumière alors n'existait pas encore; il ne pouvait pas voir si les eaux se retiraient de la terre et s'il pouvait descendre de son perchoir; chaque jour il cueillait un fruit du palmier et il le laissait tomber en dessous de lui. Pendant des jours et des jours cela se renouvela et le clapotis du fruit frappant l'eau lui indiquait que la masse liquide était toujours présente; mais un matin le fruit, en tombant, émit un bruit sec en rencontrant le sol. Le Murato put alors descendre. La lagune était rentrée dans son lit. Il établit sur ses bords sa nouvelle demeure. Mais il était seul; alors il trancha un morceau de sa chair et le planta en terre. De lui "poussa" la première Amérindienne de la nouvelle génération des Muratos. Le couple fit serment de ne plus jamais tuer de caïmans; les Muratos depuis ont toujours tenu le serment de leurs ancêtres."

 

Source: Externe

 

L'une des mythologies les plus curieuses et les plus attachantes des ethnies de l'Amazonie est, sans doute, celle des Shapras, qui a été étudiée et rapportée par l'ethnologue Rafaël Girard. Le héros créateur des Shapras est Apanchi, que les hommes consultent toujours, par le canal de leur sorcier, avant d'entreprendre une guerre contre une tribu voisine. Apanchi est une divinité qui se balance dans le ciel, dans un hamac, et qui, de là, gouverne le monde. Son hamac n'est autre qu'un immense serpent anaconda; ses serviteurs sont des jaguars noirs, une grande tortue qui lui sert de siège et des crapauds qui sont ses esclaves. Le dieu créateur Apanchi est bon pour les hommes qu'il a créés. Mais cette création n'alla pas sans mal. Dans une première phase de son œuvre les Shapras, qu'il avait créés, étaient des singes (les singes choros, ou lagotrix humboldtii), cependant que leurs voisins, de l'autre côté du rio, étaient des singes araignées ou maquisapas. Apanchi ne se trouva pas satisfait de cette première génération et il entreprit de la détruire afin de tenter une nouvelle et meilleure expérience. Il fit pour cela un grand déluge, qui recouvrit d'eau toute la Terre : la première race humaine fut anéantie sauf quelques-uns qu'Apanchi transforma en "oiseau méchants", en makis, et en crapauds géants. Il en réchappa aussi un enfant. Apanchi ordonna à cet enfant de cueillir des fruits de genipa et de les jeter dans l'eau. L'enfant ramassa le plus qu'il put de ces fruits et fit comme le dieu lui demandait; aussitôt le déluge cessa, les eaux se retirèrent, les terres séchèrent. Apanchi alors put renouveler sa création de l'homme et ce furent les Shapras de la seconde génération, cette fois beaucoup mieux réussie et pour laquelle Apanchi créa, par la même occasion, les premières plantes alimentaires.

 

Source: Externe

 

Autrefois vivaient aussi dans la forêt des tribus cannibales et coupeuses de têtes humaines; c'étaient les Witotos, les Boras, les Ocainas, les Cocanas, les Omaguas... Ils avaient de nombreuses divinités et des génies qui intervenaient dans la vie des hommes; leur origine demeure mystérieuse. Certains pensent qu'ils furent à l'origine des gens des régions andines qui durent, à la suite de guerres ou de cataclysmes, éruptions ou tremblements de terre, se réfugier dans la forêt, malgré les dangers de celle-ci, auxquels ils finirent par s'adapter; pour d'autres, il s'agit d'ethnies qui, au cours des diverses migrations faisant les premiers peuplements du continent, furent refoulées par d'autres, plus fortes, en ces refuges. Quelques autres encore établissent des liens possibles entre ces tribus et celles de Mélanésie. Dans les mythes de ces peuplades apparaissent tout naturellement les animaux, les perroquets en particulier, et aussi les grandes forces de la nature : soleil, vent, lune... et les résultats de leurs outrances : tempêtes, volcans, tremblements de terre. Dans cette exubérante cosmothéogonie, il existe bien une notion d'une destruction du monde en vue d'un renouveau; mais ici ce n'est plus l'eau qui est l'instrument d'un déluge, c'est une destruction par le feu. La race humaine est anéantie; celui qui en réchappe résiste à l'ignition parce qu'il a mangé de la coco et fumé du tabac. Celui qui commande le feu est Tapa, le grand esprit, c'est le dieu de la foudre, de l'éclair et du tonnerre, mais il est confondu avec le feu, que ce soit celui de la Terre et des volcans ou celui du foyer; et c'est lui aussi qui fait la pluie.

 

Source: Externe

 

Chez les Amérindiens Boras, les légendes parlent de la destruction du monde par un cataclysme dû aux eaux. Ine, le premier homme, se sauvant en "passant dans le dos de la Terre", exploit qu'il avait réussi en mâchant de la cola et en suçant l'essence du tabac; il s'agit de deux substances utilisées pour leurs vertus magiques par les Boras. Le premier arbre au monde fut le pifayo, le grand palmier Gulielna, qui surgit du centre de la Terre. Un autre pifayo poussa ensuite au bord de l'eau : c'était le pifayo des poissons qui soutenait les nuages. Cet arbre était l'arbre de vie, arbre cosmique à l'ombre duquel vit le légendaire "boa de l'eau" (l'anaconda) dont la fille, Ocaina, selon le mythe, vit dans l'obscurité et le froid. Cette "muchacha de agua" (fille des eaux) était mariée à un guacamayo (ara) rouge. Un jour, celui-ci avait avalé une graine de palmier, puis il la vomit sur terre où elle germa et c'est ainsi que naquit l'arbre sacré. Lorsqu'elle s'aperçut de cette transposition du palmier sur la terre, Ocaina retourna auprès de son père, le grand boa, au fond des eaux; elle se plaignit à lui de son mari. Pour punir celui-ci, le grand boa fit croître les eaux de son domaine et créa la grande inondation qui détruisit toute la Terre. Seule avait subsisté une racine de pifayo où s'accrocha un poisson. Le guacamayo rouge pleurait sa disgrâce et la perte de son épouse; il n'avait plus rien à manger; il vit alors le poisson et s'approcha pour le dévorer mais celui-ci l'implora :

 

-Ne me tue pas ! si tu me laisses vie, je ferai à nouveau pousser sur terre le pifayo ! donne-moi seulement un peu d'eau pour que je vive.

 

Le guacamayo alimenta une mare où le poisson put vivre; aussi existe-t-il toujours des poissons, des oiseaux et des palmiers.

 

Kukulkan, dieu maya

 

Aux forces de la nature se joint non moins naturellement en ces pays l'immense et terrifiant serpent d'eau, l'anaconda, qui figure avec grande constance dans le légendaire. Il porte des noms variés, comme serpent sacré; chez les Witotos c'est Nogra-Buinaima; chez les Boras c'est Machu-Tacua; chez les Ocainas c'est Noi-Mura; chez les Omaguas et les Cocamas c'est Mui-Waso; chez les Jivaros et les Shapras c'est Tsonki, ou Panki. C'est le grand maître des forces cosmiques, le dispensateur des eaux, le premier serviteur d'Apanchi auquel il sert de couche céleste et de hamac dans le ciel. Comme son maître, il est généralement bienfaisant, puisque c'est lui qui donnera l'eau, mais il peut aussi être destructeur et malfaisant, dévorer les enfants qu'il affectionne ou provoquer des tempêtes et des inondations. C'est pour cela, qu'en certaines théogonies, il devient l'instrument d'un déluge, lorsque les dieux désirent provoquer une fin du monde. Les Jivaros, en particulier, ont un grand respect pour l'anaconda, car celui-ci, surgi un jour du volcan Sangay, puis réfugié en un lac, d'où il ne sort que pour dévorer les meilleurs guerriers, pourrait, si on le provoquait, envoyer sur Terre un nouveau déluge destructeur de l'humanité. Pourtant les Jivaros chassent courageusement et tuent parfois l'anaconda en lui donnant alors d'autres attributions, celles de Panki, et il est, selon des mythes également curieux, à la base des rites de réduction de têtes en forme de Tzan-Tza.

 

*Le Popol-Vuh, ou "Livre du Conseil (des Chefs)", est le livre sacré des Mayas-Quichès, constituant le recueil héroïque et historique ainsi que le légendaire mythologique de cette civilisation née au fond des jungles du Peten, transposée ensuite dans le Yucatan, et qui fut finalement étouffée par l'emprise colonisatrice hispanique. Malheureusement il ne nous est pas connu de versions authentiques anciennes et nous devons nous contenter de versions établies selon des traductions postérieures à la venue des Espagnols, sans pouvoir donc assurer que les traducteurs, malgré toute leur bonne volonté et leur compétence, n'y aient pas apporté quelques variantes inspirées par l'ardent désir de christianisation des pays conquis.

 

Maurice et Paulette Déribéré, histoire mondiale du déluge (Laffont, 1978)

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